Malpasset 1959 : Fréjus à l’épreuve du barrage

En Provençal, « Malpasset » signifie « mauvais passage ». Le site a été nommé ainsi en raison du défilé sinueux si particulier du Reyran, le cours d’eau sur lequel a été construit le barrage. Cela ne présageait rien de bon.

Edifié en 1954, cet ouvrage est un barrage-voûte, une dénomination due à la courbure caractéristique de pareille retenue d’eau. Le Reyran, dernier affluent rive-gauche de l’Argens, fleuve côtier de la région, présente un débit intéressant qui rend pertinent la construction d’un barrage à cet endroit. C’est à André Coyne, ingénieur des ponts et chaussées, que l’on confie la responsabilité de réaliser les travaux. Le but est de résoudre une fois pour toutes la problématique récurrente de l’alimentation en eau de la commune de Fréjus, dans le Var.

Fin novembre 1959, des pluies torrentielles provoquent une montée des eaux dans le lac de retenue du barrage. Le 2 décembre, à 21h13, l’émission « la Piste aux Etoiles » est retransmise à la télévision. Le clown Achille Zavatta s’apprête à faire son numéro lorsqu’une coupure d’électricité plonge la ville de Fréjus dans le noir : le barrage vient de céder, libérant 50 millions de mètres cubes d’eau. Une vague de plus de 40 mètres inonde la vallée. En 20 minutes, la déferlante va atteindre la mer, emportant tout sur son passage. 

Ferraille utilisée pour la construction du barrage et tordue par la force de la vague au moment de la rupture du barrage.

Plus de 60 ans après la catastrophe, le site du Malpasset est devenu un lieu d’excursion pour certains, et de recueillement pour d’autres. 

En effet, à l’époque, aucun système d’alarme n’a été mis en place pour prévenir la population en aval. On dénombre 423 victimes. Le cimetière de Fréjus accueille les tombes de familles entières. 

Des années d’analyse et de recherche ont été nécessaires pour déterminer les responsables de la catastrophe. Les études ont montré qu’un seul géologue a été consulté : il recommandait la construction d’un barrage plus en amont. Il a fallu attendre le 28 mai 1971 pour qu’un arrêté du Conseil d’Etat écarte toute responsabilité humaine. La justice a pourtant fait appel à deux collèges d’experts et ce sont les conclusions du second qui ont été retenues : les connaissances en géotechnique étaient insuffisantes pour envisager une telle catastrophe. 

La maison du gardien du barrage, située à 2,5 km en aval, a été la première habitation détruite par la déferlante. Aujourd’hui, seuls quelques murs sont encore debout. 

Les dégâts matériels sont considérables : immeubles, fermes, voies ferrées. Tout est détruit, y compris le chantier de l’autoroute en construction. Un canal en béton borde aujourd’hui le Reyran pour prévenir d’éventuelles inondations de Fréjus. 

Dans les semaines suivant la catastrophe, un immense élan de solidarité nationale est organisé. Certaines dispositions législatives  évoluent, comme celles concernant le mariage posthume : en effet, de nombreuses jeunes femmes enceintes et non mariées ont perdu leur compagnon dans la catastrophe. Cette loi, adoptée le 31 décembre 1959, vise alors à protéger les enfants à naître. 

Etant donné l’absence de responsables désignés, les assureurs des constructeurs n’ont rien versé aux victimes. C’est donc l’Etat qui a financé la reconstruction des dommages matériels. 

Aujourd’hui, le Malpasset est dans toutes les mémoires. Pour commémorer le 50ème anniversaire de la catastrophe, un gisant est édifié par le sculpteur Michel Mourier, en plein coeur de Fréjus. 

Une rescapée de Malpasset tient le magazine « Paris Match » de l’époque. En couverture, il s’agit de son fils dans les bras du pompier.  

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